Je vais vous faire un aveu : je ne connaissais pas Dora Maar (1907-1997). Lorsqu’une amie -elle aussi docteure en histoire de l’art contemporain- m’a proposé d’y aller, j’étais gênée que son nom et son œuvre me soient inconnus. Il était donc temps de rencontrer cette femme dont la production fut foisonnante. Le Centre Pompidou a choisi de retracer toute sa carrière, des débuts à Paris dans les années 1930 jusqu’à la fin dans les années 1990. Le parcours de l’exposition est chronologique, ce qui permet au public de suivre sereinement l’évolution de l’œuvre de Dora Maar.
Commençons donc la visite. Nous sommes dans les années 1930, et Dora Maar choisit de travailler pour la presse illustrée : il s’agit d’un moyen d’émancipation pour la jeune femme. Elle n’est officiellement pas seule dans l’affaire, elle s’est associée au décorateur de cinéma Pierre Kéfer. Les photographies sont signées « Kéfer-Dora Maar » même si officieusement Dora Maar est souvent l’unique autrice de cette production. Les photographies de mode sont probablement les plus nombreuses. Elle a un œil pour saisir le corps, le geste et l’ombre en les transformant en effets plastiques puissants. Lorsqu’il manque un petit quelque chose, Dora Maar n’hésite pas à faire des retouches sur le cliché ou sur le négatif en grattant ou en rajouter des détails grâce à la gouache.
Dora Maar poursuit la photographie et sa rencontre avec plusieurs artistes surréalistes en 1933 l’encourage à explorer de nouvelles pistes visuelles. Fait étonnant pour l’époque, les surréalistes acceptent Dora Maar comme une des leurs, c’est-à-dire une artiste. Chez eux, les femmes sont souvent reléguées au rang de muse, même si elles créent. Ce fait s’explique peut-être parce que Dora Maar ne fait jamais vraiment partie du groupe, préférant son indépendance.
Elle pratique régulièrement le collage, une technique lui permettant d’exprimer ses songes et ses pensées. Elle partage l’esthétique surréaliste ainsi que leurs idées. Dans les années 1930, ils adhèrent au communisme et participent à plusieurs actions politiques. Le témoignage artistique de cet engagement se retrouve dans les photographies de rue qui montrent des gamins pauvres, des vieilles dames, des mendiants, des travailleurs. Toute une esthétique urbaine saisie sur le vif.
Puis vient la rencontre avec Pablo Picasso (1881-1973) en 1936. Elle le photographie, c’est d’ailleurs la première fois qu’on lui tire le portrait. Les deux artistes s’admirent, certaines de leurs œuvres se répondent. C’est grâce à lui que Dora Maar se met à la peinture. Entre les années 1940 et 1980, elle expose peu, elle préfère s’éloigner de la scène publique. Nous finissons tranquillement notre visite, nous sommes dans les années 1980. À cette époque, elle revient à la photographie qu’elle mélange à des effets plastiques venant de la peinture, de l’aquarelle et de la calligraphie. Une œuvre très riche à découvrir au Centre Pompidou jusqu’au 29 juillet.