Après avoir visité le château de Vincennes, il est temps de nous intéresser à sa Sainte-Chapelle. Ces édifices sont passionnants. À plus d’un titre. Il en existe une dizaine en France, et pour cause : il faut correspondre à une liste de critères très précis. Un vrai concours ! Les critères n’ont pas été établis au Moyen-Âge, mais au XXe siècle : ils nous permettent de catégoriser ces édifices. Tout d’abord, pour être une « Sainte-Chapelle », il faut que la chapelle soit rattachée à une demeure royale. Autre critère : il faut qu’elle ait été édifiée par Louis IX -dit Saint-Louis- ou un de ses successeurs (ce qui laisse un peu plus de possibilités). Pourquoi spécifiquement Saint-Louis ? À cause des reliques de la Passion et de la Sainte-Chapelle de Paris pardi !
Commençons par le début : les reliques sont les restes de saints morts ou les instruments ayant servi à leur martyre. Les reliques de la Passion forment l’ensemble des objets qui auraient été utilisés lors de la mise à mort de Jésus-Christ. En raison de leur nature, ces reliques sont donc considérées comme étant les plus importantes de la Chrétienté. Autrefois conservées à Constantinople (actuelle Istanbul), une partie de ces reliques sont présentes en France depuis presque 800 ans. Penchons-nous un peu sur cette histoire.
À l’origine, les reliques se situaient à Jérusalem, mais par crainte d’une invasion des Perses, elles sont déplacées à Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient. Nous ne connaissons pas la date précise de ce transfert, mais nous savons qu’il a lieu avant 614, année du sac de Jérusalem par les Perses. Lors de la 4e croisade, les Croisés élisent un nouvel empereur latin : Baudouin Ier de Courtenay, devenu Baudoin II. Mais cette expédition militaire entraîne d’importantes difficultés financières, et l’empereur décide de mettre en gage une partie des Saintes Reliques. Il contacte Saint-Louis et lui propose de les acheter. Saint-Louis saisit cette occasion pour se procurer la couronne d’épines en 1239. La vente atteint une somme considérable pour l’époque : la moitié du budget du royaume ! Il achète en 1241 une autre partie de ces reliques : un fragment de la Vraie Croix et 7 autres reliques. Dernière acquisition en 1242 de 9 reliques. Une dépense colossale !
La possession des reliques de la Passion est une affaire gouvernementale de premier ordre : l’Europe est alors chrétienne. Celui qui détient les reliques les plus importantes de la Chrétienté fait preuve d’une grande puissance politique et spirituelle. Pour conserver ces reliques, le roi fait édifier un véritable écrin-reliquaire : la Sainte-Chapelle de Paris qui devient une référence dans l’architecture religieuse. À partir de ce moment, toutes les Saintes-Chapelles reprennent le plan de leur mère parisienne. Et voici un autre critère !
Cela nous amène directement à Vincennes. Lorsque Saint-Louis acquiert la couronne d’épines, il entreprend le voyage jusqu’à Venise, ville où elle a été mise en gage. S’ensuit le retour triomphant du roi en France, avec ses étapes. L’une de ces étapes est Vincennes. Le roi affectionne tout particulièrement ce lieu où il réside de manière fréquente et où il tient ses Conseils. Saint-Louis entreprend plusieurs constructions à Vincennes durant son règne (1226-1270). Il fait édifier une tour au sud-ouest, une salle d’apparat et une chapelle qui a disparu. Cette petite chapelle abritait les reliques de la Passion avant leur départ pour Paris. La veille du départ, le roi retire quelques épines de la Couronne qu’il laisse à Vincennes. Autre détail important : pour être éligible à la catégorie « Sainte-Chapelle », il faut que l’édifice possède des reliques de la Passion. Ce fut le cas pour La Sainte-Chapelle de Vincennes, même s’il s’agissait de quelques épines.
La Sainte-Chapelle de Vincennes n’est pas celle qui conservait à l’origine les reliques : celle-ci a disparu. La Sainte-Chapelle que vous pouvez visiter a été édifiée par Charles V (1364-1380). En tant qu’héritier de Saint-Louis, Charles V souhaite construire un bâtiment digne des épines issues de la Couronne alors déposées à Vincennes. Le souverain entame les fondations en 1379 selon le modèle de la Sainte-Chapelle de Paris : une nef unique et de puissants contreforts à l’extérieur permettant à l’édifice de supporter la hauteur des baies (plusieurs mètres !). Il y a cependant 2-3 éléments qui les différencient : celle de Vincennes n’a qu’un seul niveau, contrairement à celle de Paris. À Vincennes, des parties ont été ajoutées, telles que la sacristie et la salle du trésor ainsi que les oratoires royaux.
L’ensemble du bâtiment prend beaucoup de temps à être construit : il est achevé sous le règne d’Henri II (1547-1559), fils de François Ier. C’est-à-dire à la Renaissance ! Quand on observe la Sainte-Chapelle, le style gothique flamboyant a été maintenu, ce qui confère à l’édifice une cohérence harmonieuse. Même si la construction a pris deux siècles, l’aspect est clairement médiéval.
Le décor intérieur a disparu en grande partie. Même les vitraux ont subi des dégâts, sauf ceux situés au niveau du chœur. Henri II est à l’origine de leur réalisation. Il confie cette charge à l’architecte qui finira la Sainte-Chapelle, Philibert Delorme, et qui fera appel au maître-verrier Nicolas Beaurain.
Le thème des vitraux du chœur est l’Apocalypse selon l’apôtre Jean. Le style de la verrière est caractéristique de la Renaissance. Les couleurs sont variées, le traitement des corps, de leur modelé, et la profusion de détails révèlent la maîtrise du dessinateur du modèle, mais aussi celle du verrier qui a su le transposer en verre. Plusieurs baies ont malheureusement disparu à la suite de la tempête de 1999, et ont bénéficié heureusement d’une rénovation.
Lors de votre visite à la Sainte-Chapelle, n’hésitez pas à emprunter les escaliers qui vous mèneront à l’espace situé sous la rose : cela vous offrira une vue de l’intérieur du bâtiment. Et si en plus, le soleil est de la partie, vous pourrez apprécier de beaux effets de lumière.