Une histoire de la chaussure : Marche et démarche

vue extérieure de l'exposition

Quels types de chaussure avez-vous ? Des baskets, des escarpin, des souliers ? Ce choix a-t-il été conditionné par un besoin de confort ou d’esthétique ? Porter des chaussures est un acte anodin pour nous. Et en même temps, c’est une pratique que nous faisons depuis l’aube de l’humanité. Bien que cette phrase fasse cliché, elle met en lumière le souci premier de se couvrir les pieds. On se chausse pour se protéger du froid, pour éviter les douleurs et les blessures, du moins dans les premiers temps de la Préhistoire. Puis vient le soin de rendre les choses plus attrayantes visuellement, on s’intéresse de plus en plus à la l’aspect beau des vêtements et accessoires que l’on porte, mais aussi d’indiquer aux autres qui nous sommes, et surtout par rapport à eux. Hommes et femmes se soucient désormais de la monstration de leur statut social.

Le Musée des arts décoratifs de Paris propose ainsi une exposition consacrée à l’histoire du soulier, et aux comportements liés à cet accessoire. Une exposition qui se situe dans la continuité dans celle consacrée récemment au dos dans la Mode. Les commissaires de « Marche et démarche » ont choisi une dimension plus sociologique qu’artistique et historique. De grandes vitrines centrales permettent d’apprécier l’importante typologie des chaussures, même si on peut noter que 3 formes se dégagent dans le monde : la chaussure à bout arrondi, à bout carré et à bout pointu. La chaussure à bout pointu est d’ailleurs l’une des plus répandues alors qu’elle est la moins adaptée à la forme de notre pied. Et là se pose la question : pourquoi avons-nous pris l’habitude de porter des souliers qui nous font souffrir ?

Les talons, par exemple, incarnent le bon style sous Louis XIV et se développeront au cours du 19e siècle pour devenir incontournables aux 20e-21e siècles. Nous avons aussi les boucles de soulier agrémentées de strass ou de pierres précieuses occasionnant souvent des blessures aux jambes des gentilshommes et des dames de la cour aux 17e-18e siècles. Faut-il vraiment souffrir pour être belles et beaux ? En l’occurrence, c’est encore la démonstration du statut social et de la richesse du porteur qui compte. Cela se retrouve même dans les contes :

« Le Gentilhomme qui faisait l’essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et la trouvant fort belle, dit que cela était juste, et qu’il avait ordre de l’essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon, et approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu’elle y entrait sans peine, et qu’elle y était juste comme de cire. L’étonnement des deux sœurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l’autre petite pantoufle qu’elle mit à son pied. Là-dessus arriva la Marraine, qui ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres. »

Contes de Perrault (1697)

Il est toujours agréable de relire un conte, du moins un extrait. Cendrillon s’accomplit en tant que femme et s’élève socialement grâce à une chaussure, et un soupçon de magie bien évidemment. La transformation du héros et de l’héroïne de contes de fées passe souvent par un vêtement ou par un accessoire. Qu’il s’agisse de la pantoufle de verre, des bottes des 7 lieux, des bottes du célèbre chat, la chaussure permet de devenir quelqu’un. Cet accessoire permet aussi de trouver quelqu’un avec qui partager sa vie. Un objet de séduction innocent ?

Grâce à la chaussure, nous pouvons accomplir des choses plus pragmatiques telles que la danse, le cirque, le sport et la guerre. L’exposition évoque ce que la chaussure permet de faire, mais aussi ce qu’elle ne permet pas ! Le soulier peut être importable. Il peut soumettre des individus. Il peut être objet de torture.

Le pied « mignon » (en Occident) et le pied « lotus » (en Chine) ont engendré des actes monstrueux. Les pieds petits étaient un signe de noblesse, d’élégance et de féminité. Une femme était alors sensuelle parce qu’elle avait un pied ne dépassant pas une certaine taille (10cm pour la Chine). On se pose évidemment la question de l’atrophie des pieds comme marque de domination masculine. Ce contrôle de l’homme sur la femme via les chaussures se poursuit au 19e siècle. Ce phénomène s’explique par la multiplication des plaisirs et des maisons closes au Second Empire.

Talons hauts, lacets, cuissardes et mules deviennent des accessoires de séduction ou de soumission dans les jeux amoureux. Ce phénomène ne s’arrête évidemment pas à la fin du 19e siècle. Il se popularise même au cours des 20e-21e siècles, tandis que certaines maisons de luxe deviennent l’incarnation de ce fétiche.

Les créateurs interrogeront également le concept de la chaussure importable. Vers où allons-nous ? Une société où l’apparence règne ? Des créations étonnantes, pour un monde qui ne finira jamais de nous étonner.
Pour conclure, je vous souhaite d’avoir bon pied bon œil.

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