Back Side/Dos à la mode au musée Bourdelle

vue du grand hall du musée Bouredelle avec un mannequin portant une robe.

Le musée Bourdelle présente jusqu’au 17 novembre une exposition consacrée au vêtement vu de dos. Back Side/Dos à la mode est en fait une exposition hors les murs organisée par le musée Galliera. Le choix d’un musée de sculpture pour accueillir cette manifestation est à mon sens d’une grande pertinence : une sculpture est une forme dans l’espace. Quand on y pense, c’est la même chose pour le vêtement. À l’origine, l’habit couvre et tient chaud, mais il est rapidement devenu un élément utile aux personnes pour montrer certaines choses, comme le statut social. Les couturiers et stylistes ont d’ailleurs amplifié ce phénomène et ont même transformé le vêtement en art aux 19e-20e siècles. Le vêtement est ainsi une forme dans l’espace, c’est-à-dire une sculpture. Le musée Bourdelle montre d’ailleurs cette proximité en exposant des tenues à côté des œuvres du sculpteur.

On peut voir un mannequin portant une longue robe rose faite par Balenciaga et à côté un torse d'homme sculpté par Bourdelle.
Robe du soir de Balenciaga (1961) et torse d’Adam, par Bourdelle

Le principe de Back Side/Dos à la mode est d’interroger notre rapport au dos, à travers une approche esthétique, sociologique et psychologique. Des tenues variées permettent d’appréhender notre perception du dos en fonction des époques. Dos dissimulé, dos nu, dos orné ou encore dos chargé : on se rend compte que cette partie de notre corps n’a jamais été mise de côté par les couturiers, mais que nous n’avions pas pris le temps de l’interroger. Peut-être parce qu’il est difficile pour nous de l’observer ?

Le dos est cette partie du corps que l’on voit peu, ou plutôt que l’on regarde discrètement quand on nous la montre (donc chez les autres). Le dos a longtemps été dissimulé, comme les jambes. Puis il est devenu visible au sortir de la Première Guerre mondiale. On tend désormais à le montrer, mais une petite partie seulement. Dans les années 1930, le dos dénudé apparaît régulièrement dans les films américains. Vive Hollywood !

Et pourtant, encore aujourd’hui le dos reste discret ou dissimulé. Lorsque l’on regarde les images des défilés sur le web ou à la télévision, nous voyons surtout des captations éphémères des mannequins vus de face. Le dos est absent alors que les stylistes et couturiers travaillent chaque détail de la tenue.

Le dos par son ambivalence est un élément clef de l’habit. Son histoire est tout aussi forte que secrète en intention : tout ce qui concerne le dos dans le vêtement a d’abord été synonyme d’absence avant d’éclater fièrement au regard des autres. Mais cette absence n’est pas silencieuse : elle nous dit beaucoup de choses.

Même dissimulé, le dos évoque la sensualité. Les courbes du dos qui aboutissent aux épaules d’un côté et aux fesses de l’autre forment une ligne directrice qui guide le regard. Le dos suggère ce qu’il cache.

Cette robe fourreau est mise sur un mannequin à côté d'une sculpture de Bourdelle. La robe est longue et couvre tout le corps, elle imite les robes du 19e siècle.
John Galliano, robe fourreau fermée par 51 boutons, 1998-1999

Et en même temps, le dos c’est l’incarnation de la droiture et du maintien. Certains vêtements et accessoires ont été créés en raison de cette sensualité et de ce souci de maintien. Le corset par exemple : les enfants doivent le porter pour garantir un bon maintien, et les femmes continuent de le porter à l’âge adulte. Le rapport à la sensualité est ici important : les hommes offrent souvent des corsets à leurs amantes. Pour rappel, le corset se lace dans le dos. Qu’est-ce que cela implique ? La soumission à un homme, mais aussi un certain statut social. Une femme ne peut pas nouer seule le corset. Si ce n’est pas l’homme qui le [dé]fait, c’est une domestique. Ne pas faire les choses par soi-même avant le 21e siècle est synonyme de richesse : ce sont les autres qui font les choses pour nous.

Autre vêtement qui incarne l’assujettissement et qui orne l’arrière de l’habit dos : la traîne. Cet élément, magnifique par sa prestance, reste une contrainte pour la femme qui ne peut que se déplacer en avant. Exit la possibilité de faire marche arrière. Une symbolique forte quand on y pense. La taille de la traîne est d’ailleurs proportionnelle à l’importance de la personne. À Versailles, les duchesses portent des traînes faisant maximum 3 mètres de longueur. La reine doit quant à elle se déplacer avec une traîne de 13 mètres. De la même manière, la camisole qui s’attache dans le dos est une manière redoutable de retirer aux personnes internées leur capacité à bouger. Enfin, le dos peut être porteur d’une autre contrainte : le sac à dos. Bien qu’utile pour nos activités personnelles et professionnelles, le sac à dos est un poids qui dissimule cette partie du corps.

L'image montre trois mannequins portant des robes agrémentées de traîne.
Robes de Rick Owens et de Jean-Paul Gaultier

Back Side/Dos à la mode offre ainsi une réflexion sur notre rapport au corps et au vêtement. Les tenues de créateurs et les sculptures permettent de constater à quel point nous ne faisions pas forcément attention à l’envers des tenues…

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