Bienvenue sous terre. J’aurais également pu écrire « Arrête. C’est ici l’Empire de la Mort. » Sachez que cette phrase glaciale vous accueillera à l’entrée des Catacombes. Elle a le mérite de donner une idée de l’ambiance du lieu, et surtout de ce que l’on va y trouver. Il s’agit après tout de l’entrée des Catacombes de Paris, un lieu fascinant pour découvrir l’histoire de Paris.
La richesse du sol parisien
Remontons le temps, c’est-à-dire à plus de 40 millions d’années. Un chiffre impressionnant, et qui a son importance. À cette époque très lointaine, le calcaire lutécien est en train de se former. On utilise cette roche particulière -dont le nom vient du mot latin désignant la capitale de la France- pour la construction dès l’Antiquité. Cette pierre à bâtir se situait essentiellement dans le sud de Paris. En plus du calcaire, les sols parisiens possèdent des matériaux variés. On ouvre ainsi plusieurs carrières à ciel ouvert pour alimenter les chantiers de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge. Ainsi, les maîtres d’œuvres ont utilisé ces pierres pour divers chantiers tels que celui de Notre-Dame de Paris, du donjon de Vincennes et du château du Louvre. Du 14e jusqu’à la fin du 18e siècle, l’extraction de pierre se fera uniquement par le biais de carrières souterraines.
À la fin du 18e siècle, on creuse des galeries de plus en plus profondes. Le réseau s’étend sur 300 km, et se situe entre 10 et 20 mètres de profondeur. À titre de comparaison, le métro se situe en général dans les 10 mètres de profondeur. Mais le développement des carrières provoquent des effondrements. Un effondrement de terrain provoquera l’engloutissement d’une partie de rue Denfert-Rochereau.
La psychose s’installe : et si le sol s’effondrait tout à coup sous nos pieds ? On craint que des quartiers entiers de Paris s’effondrent. L’Inspection générale des carrières, créée par Louis XV, ferment et surveillent les carrières souterraines.
Des carrières aux ossuaires
Nous avons donc un réseau de galeries de 300 km fermé pour l’exploitation, mais toujours en place. Cela tombe bien, car on a besoin d’un grand espace loin de la surface ; un lieu discret et sobre pour y transférer des ossements. À la fin du 18e siècle, on transforme les anciennes carrières en ossuaires, c’est-à-dire un lieu où sont conservés des ossements humains. Quelle est la différence avec les catacombes ? Peu de choses au final : les catacombes forment une cavité souterraine ayant servi de sépulture, tandis que les ossuaires ne sont pas forcément situés sous terre.
D’où viennent ces ossements ? Des cimetières médiévaux parisiens désaffectés. Il y a beaucoup de cimetières et de fosses communes. On utilise les fosses communes pour l’inhumation des personnes modestes et surtout les victimes des situations dramatiques et urgentes (guerres, famines et épidémies). À l’origine, on inhume les individus autour des églises et des hôpitaux. La population parisienne augmentant au fur et à mesure, cela va impliquer incontestablement une augmentation des décès. La plupart des cimetières parisiens se situaient dans la ville ou à la Tombe-Issoire, c’est-à-dire à l’extérieur de l’enceinte de la ville. Parmi les cimetières parisiens, il y avait celui des Innocents autrefois situé sous le quartier des Halles. À force, des incidents ont lieu…
Le transfert des ossements commencent ainsi en 1787 et s’achèvent en 1859. Le transfert se passe la nuit, pour éviter aux passants d’assister à un spectacle particulièrement perturbant. On vide plus de 150 cimetières au profit des catacombes. On estime le nombre d’individus à 2 millions. Par contre, impossible d’identifier les corps : tout est mêlé. Une ville silencieuse sous la ville lumière.
Puis des catacombes au musée
Ce lieu reprend toutefois vie lors de sa transformation en musée. En 1809, c’est l’inauguration de la visite des catacombes. On emménage 11.000 m², ce qui représente 1/800e de la superficie totale des carrières. Tout est aménagé pour les visites : on met en place un décor, voire une mise en scène qui est toujours d’actualité. On range soigneusement les 6 millions d’ossements. Les crânes et les os longs sont observables sous la forme de murs, et derrière on retrouve les ossements plus fragiles. Le public est conquis ! Certaines personnalités visitent ce lieu original, comme l’empereur Napoléon III. Pour aider à la visite, des torches bien sûr, et surtout un tracé noir sur le plafond permettant de s’orienter sans se perdre…ce qui serait dommage !
Quand vous venez aux Catacombes, vous visitez en fait deux choses : les anciennes carrières et les ossuaires. Le parcours se situe dans une ancienne carrière souterraine creusé au 15e siècle. Je vous garantis que c’est une visite riche en émotions. Je vous la recommande évidemment, même si je préfère vous mettre en garde : cela peut gêner de voir les restes d’individus. Ce qui m’a frappée c’est la manière dont nous réagissons face à ces restes, ou plutôt face à la mort. Certains rient, d’autres sont stressés, d’autres préfèrent le silence, voire le recueillement. Certains touchent même les os. Sur le coup, cela m’a énervée je dois vous l’avouer. Mais au fur et à mesure de ma balade souterraine, je me disais qu’après tout ces os avaient peut-être besoin d’un peu de chaleur humaine. Après tout, qui suis-je pour les juger ?