La maison du docteur Gachet ne montre pas d’emblée sa beauté. Pour cela, il faut franchir le portail et monter quelques marches avant de découvrir un endroit à la fois sauvage et intime.
Paul Ferdinand Gachet (1828-1909), originaire d’une famille bourgeoise de Lille, est un homme de son temps, et a de nombreux intérêts, notamment l’art et la médecine. Il collectionne sa première passion –il apprend d’ailleurs le dessin- et fait de la deuxième son métier. Gachet ouvre un cabinet à Paris à la fin des années 1850. Il consacre sa thèse à la mélancolie, un sujet qui correspond bien à l’humeur générale de son époque. Il trouve en Vincent van Gogh (1853-1890) un cas d’étude passionnant, et surtout un grand ami dont la perte sera une épreuve terrible pour le médecin.
Van Gogh n’est pas le seul peintre à franchir les portes de la maison du docteur. La modernité artistique s’y retrouve : Camille Pissarro (1830-1903), Armand Guillaumin (1841-1927), ainsi que Paul Cézanne (1839-1906) viennent ponctuellement à Auvers. Gachet collectionne les œuvres des impressionnistes qu’il prête lors des expositions du groupe. Les artistes s’influencent mutuellement quand ils sont à Auvers, mais ils marquent aussi le docteur Gachet qui se remet au dessin.
En 1870, les parents de Gachet décèdent, lui laissant en héritage des rentes qui lui permettent d’acheter la maison d’Auvers-sur-Oise et de ralentir son activité professionnelle afin de se vouer à l’art. Mais pour autant, il n’abandonne pas la médecine ; il se consacre à quelques cas et à l’expérimentation de nouvelles méthodes telles que l’homéopathie et la pharmacopée (d’où son jardin si fourni).
En 1890, Théo van Gogh écrit à Pissarro. Il est inquiet pour son frère Vincent. Celui-ci ne supporte plus la vie oppressante à l’asile de Saint-Paul-de-Mausole. Il souhaite un autre endroit plus proche de la nature et suffisamment loin de Paris pour se reposer. Pissarro pense que la présence du docteur Gachet, spécialiste de la mélancolie pourra aider son ami. Le 20 mai 1890, Vincent prend ainsi le train à destination d’Auvers-sur-Oise où il s’installe à l’auberge Ravoux. Pendant 70 jours, Gachet voit le peintre de manière régulière. Durant cette période, ce dernier réalise plus de 70 œuvres !
Mais c’est le calme avant la tempête… Van Gogh plonge dans une solitude profonde, qui le mènera au désespoir et à sa tentative de suicide le dimanche 27 juillet 1890. Van Gogh parvient à rentrer à l’auberge, mais son état est grave. Les docteurs Gachet et Mazery ne peuvent rien faire, et le peintre s’éteint dans les bras de son frère le 28. Lors de l’enterrement, Gachet dira de Van Gogh qu’il fut « un honnête homme et un grand artiste, il n’avait que deux buts l’humanité et l’art, c’est l’art qu’il chérissait au-dessus de tout qui le fera vivre encore… » Un avis éclairé, même si cette histoire est dramatique.
La maison est chargée de cette mémoire, de la présence de ces artistes, et surtout de ce médecin capable de calmer quelque temps des esprits tourmentés comme celui de van Gogh. On ressent tout cela dès le jardin, on y passerait volontiers de longs moments à l’observer et à écouter les oiseaux. Et on ne serait pas les seuls : les peintres de la modernité artistique ont fait la même chose, et ont d’ailleurs posé leur chevalet à plusieurs endroits qui vous seront indiqués.
Chose étonnante dans ce jardin : vous y trouverez un atelier troglodytique ! La maison se situe à côté d’une falaise où le lierre et autres plantes sauvages s’épanouissent allègrement sur les parois. Au début du 19e siècle, cet espace était exploité comme carrières de calcaire. Lorsque le docteur acquiert le lieu, il les utilise comme cave à vin, un atelier et un local à outils. Petite légende urbaine histoire de finir sur un mystère : lors de la Seconde Guerre mondiale, le fils du feu docteur Gachet aurait caché la superbe collection de peintures provenant de son héritage dans la carrière la plus reculée… Cela laisse songeur.
Informations pratiques :
78 rue Gachet, 95 430 AUVERS-SUR-OISE
Entrée libre et gratuite à partir du 2 avril 2016.
Ouverture de l’exposition : du mercredi au dimanche de 10h30 à 18h30 (dernière entrée à 18 h).
Merci @Sabine pour cette parenthèse érudite et champêtre!