Le Bureau du Roi : l’ingéniosité des artisans au service des affaires politiques
Si vous avez déjà eu l’occasion de visiter le château de Versailles, vous avez peut-être remarqué dans le petit Appartement du Roi un somptueux bureau-cylindre : il s’agit du Bureau du Roi. Cette œuvre commandée par le roi de France Louis XV (1710-1774) est une des plus importantes de l’histoire de l’ébénisterie et offre un élégant témoignage des problèmes de politiques internes de cette époque.
En perte de popularité auprès de ses secrétaires d’État qu’il consultait peu, Louis XV constate à plusieurs reprises que ses papiers sont déplacés et fouillés. Son bureau, alors ouvert, ne lui permettait pas de mettre sous clef tous ses documents politiques. Louis XV recevait rarement ses secrétaires d’État dans cette pièce privée. Située à l’arrière de cette dernière, son « cabinet des Dépêches » était d’ailleurs réservé à la collecte d’informations de son réseau d’espions lui permettant ainsi de définir sa politique étrangère. Quelle ironie : l’espion espionné !
Le roi inquiet d’être la cible d’espions commande un bureau inviolable au maître-ébéniste Jean-François Oeben. Le créateur met au point un système de fermeture complet grâce à un rideau en quart de cercle coulissant : le bureau-cylindre peut être fermé intégralement grâce à une seule clef et protéger ainsi les affaires royales.
Le bureau allie un travail remarquable de marqueterie et témoigne de la grande ingéniosité des ébénistes du XVIIIe siècle. Oeben décède au cours de la réalisation de sa commande. Son disciple, Jean-Henri Reisener reprend l’exécution du bureau.
Savez-vous combien de temps il a fallu pour réaliser ce chef-d’œuvre ? Des semaines ? Des mois ? Et non : des années, 9 ans précisément !
Parce que les belles choses nécessitent du temps : du temps pour la réalisation mentale du projet, pour concevoir une pièce inédite tant par son décor que par ses mécanismes novateurs. Il faut du temps ensuite pour réaliser un modèle réduit en cire comprenant tous les détails. Il en faut également pour réaliser les études dessinées à partir de ce modèle ; puis vient l’étape de modèle en bois grandeur nature… Et oui, il ne faut pas décevoir la royale clientèle. Du temps, il en faut encore pour commander les matières premières, pour les travailler soi-même ou grâce à des collaborateurs (notamment des bronziers). Du temps, enfin, beaucoup de temps, pour acquérir toutes les connaissances et le savoir-faire nécessaire au façonnage de ce type de pièce. Ces pièces sont de vibrants témoignages du savoir-faire séculaire des artisans et de leur créativité. Si vous allez à Versailles : arrêtez-vous un instant pour contempler cette pièce, prestigieuse par son propriétaire et surtout par les mains qui l’ont faite.