Le réalisateur de cinéma et scénariste Federico Fellini (1920-1993) rêvait donc de l’artiste Pablo Picasso (1881-1973). Cette confession étonnante de l’auteur de la Dolce Vita a longtemps été dissimulée. Fellini n’en parlait pas. Ou pas à tout le monde. La chose est annoncée dans les interviews dans les années 1980. Mais l’admiration provoquant des rêves forts chez Fellini remonte à plus loin. Dans les années 1960, Fellini est connu du public pour la Dolce Vita. Connu certes, mais sujet à la réprobation, notamment après la sortie de Dolce Vita. Bien que ce film soit aujourd’hui un classique du cinéma italien, il a d’abord été vivement critiqué. Le public estimait alors que cette douceur de vivre n’était qu’oisiveté et débauche.
Au même moment, Fellini ressent le besoin de suivre une psychanalyse, ce qu’il fit. Son docteur est un disciple de Carl Jung (1875-1961). Les contributions de Jung dans l’étude des rêves ont été déterminantes. Les songes sont analysés comme une manifestation inconsciente du Moi profond. Fellini évoque son univers onirique durant sa psychanalyse. Le docteur l’encourage à l’extraire pour le mettre sur papier. Ce qu’il fit : les rêves transcrits et dessinés du réalisateur vous attendent dès la première salle. On comprend rapidement le respect et l’admiration que Fellini voue à Picasso. Mais c’est aussi un soutien moral imaginaire ainsi qu’une source d’inspiration et de créativité pour le cinéaste. Un véritable fétiche onirique.
Les deux hommes sont contemporains. Des rencontres sont prévues par des amis communs, mais échouent dans la plupart des cas. Les deux artistes fréquentent souvent les mêmes lieux et événements, sans pour autant trouver le temps de se poser pour discuter. Ces moments restent du domaine du rêve.
Mais l’idée qui trotte dans l’esprit est de savoir si Picasso a visionné les films de Fellini, et surtout ce qu’il en a pensé. Question sans réponse… Fellini a dû se poser la même.
L’exposition de la Cinémathèque propose de [re]découvrir les sujets chers à Fellini, en mettant en regard des productions de l’artiste espagnol. La vie du cirque, les clowns, l’antiquité et la femme forment des chapitres permettant aux deux créateurs de dialoguer d’œuvre en œuvre. C’est surtout le dernier thème qui résonne, et pour cause…
La femme et de la sexualité reviennent régulièrement dans la production artistique des deux hommes. Chez Picasso, le corps s’exhibe avec puissance, et surtout le sexe féminin. Chez le cinéaste, la femme est voluptueuse, et on retrouve cette monstration sensuelle des atouts féminins.
Permettez-moi de finir cet article sur cette séquence superbe de la Dolce Vita (1960) où Sylvia entre dans la fontaine de Trévise, avant d’être rejointe par Marcello. Une scène devenue culte dans l’histoire du cinéma.