Kitaōji Rosanjin (1883-1959)
Rosanjin se forme à l’art calligraphique à l’âge de 16 ans et démarre sa carrière artistique comme calligraphe, peintre d’enseigne de style occidental (très à la mode depuis l’ouverture des frontières nippones au commerce international) et enseignant. C’est en 1915 qu’il s’initie à la poterie et à l’art culinaire. Son intérêt pour l’usage de la céramique dans la gastronomie (bi-shoku ou « esthétique du manger ») sera à l’origine de la création du Bishoku Club « Club des Gourmets » en 1919 et de sa galerie des arts de la table qui connaîtront un franc succès auprès de l’élite japonaise. Lors de ces réunions gastronomiques, Rosanjin présente ses plats sur de la céramique chinoise, coréenne et japonaise ancienne qu’il collectionnait : bleus-et-blancs de la dynastie Ming, akae ou émail rouge posé sur couverte très en vogue en Chine et au Japon au XVIIIe siècle, imari kinrande ou décor de petit feu à l’or ou l’argent.
Production céramique
L’incendie du premier restaurant en 1923 incite l’artiste à s’établir dans un nouveau local, plus grand, le Hoshigaoka-saryo (Tōkyō), qu’il dirige jusqu’en 1936. C’est à cette période que Rosanjin décide de se consacrer pleinement à la production céramique ; il s’initie et parcourt alors le Japon afin de découvrir et d’étudier les techniques des porcelaines et des grès. Ses recherches l’amènent à s’intéresser à l’art ancien et traditionnel céramique des régions et fours de Bizen, Shigaraki, Seto et Mino, à l’œuvre des céramistes Chōjirō Raku (mort en 1590) et d’Ogata Kenzan (1663-1743) ainsi qu’à l’art des potiers coréens. Sa production céramique, utilisée dans son restaurant, se nourrira ainsi de ces références traditionnelles. Le renouvellement des styles anciens dans l’artisanat céramique s’accompagne au cours du XXe siècle de l’affirmation du potentiel artistique et spirituel des céramiques et des architectures nécessaires à cette pratique, les fours. Ainsi cette période est celle entre autres de la revalorisation de la sobriété, des hasards provoqués par la cuisson (déformation, variation des oxydes, vitrification involontaire, etc.) et par la redécouverte du potentiel esthétique et créatif engendrés par les instants méditatifs face à la nature lors des cérémonies du thé ; toutes ces recherches et redécouvertes sont issues de courants divers et s’unissent avec harmonie dans l’œuvre de Rosanjin (laque, céramique, paravent).
Ses œuvres témoignent aussi bien d’une maîtrise de l’art calligraphique que de l’usage d’éléments éphémères au service d’un art côtoyant l’abstraction (entre autres l’usage de la paille ou de la technique des « cordes de feu » disparaissant à la cuisson et laissant ainsi une trace sur l’objet céramique).